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Le contexte politique de la naissance des BD

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De nos jours, penser aux bandes-dessinées, nous rappelle les albums qui ont bercé nos enfances. Cependant, qui penserait que l’apparition des bandes dessinées au début du XXème siècle, était d’un tout autre objectif.
Les BD les plus emblématiques

La bande-dessinée est un art nouveau qui a modernisé les médias. Initialement des bandes comiques dans les journaux, les BD sont rapidement devenues leurs propres albums. L’amalgame d’images aux couleurs vives et de textes sous forme de bulles en ont fait sa particularité et ont suscité l’intrigue du public du XXème siècle. On peut alors se demander dans quel contexte la naissance de ce média aux influences multiples a eu lieu et surtout quelle est sa fonction révélée face aux événements de la société contemporaine.

Tout d’abord, il est important de reconnaître que le XXe siècle est une époque où le christiannisme domine sur le plan religieux. Cette pensée reste assez traditionnelle et conservatrice. En France, dans les années 1920, les publications pour la jeunesse sont majoritairement contrôlées par des hommes d’Eglise chargés de l’instruction et du divertissement des jeunes générations. Ainsi, l’abbé Wallez devient rédacteur en chef du journal Le Petit Vingtième, la revue jeunesse du journal belge Le Vingtième Siècle. En janvier 1929, il confie à Hergé la tâche de réaliser une bande dessinée qui exposerait les travers du système communiste bolchevique. C’est ainsi que les fabuleuses aventures de Tintin et Milou sont nées. Tintin, figure emblématique de la BD belge, est un personnage à la gloire des grands héros de l’époque : les reporters.

Ainsi, sa première mission n’est pas choisie au hasard puisqu’il est envoyé comme correspondant en Union Soviétique. Cette destination est choisie sciemment afin de propager une pensée critique du communisme.au moment où l’Europe fait face à des tensions politiques extrêmes. Un an plus tard, c’est au Congo que se rend Tintin. Cette fois-ci l’intention est de justifier la colonisation belge en cours. Tintin incarne la mentalité coloniale de l’époque, dominée par l’ethnocentrisme, une société patriarcale et un sentiment de supériorité. On y retrouve une série de clichés colonialistes mettant en évidence les préjugés que les Européens de l’époque avaient à l’égard de la population africaine. Ces derniers sont décrits comme “des grands enfants ignorants, paresseux et superstitieux”. En 1932, Tintin se rend en Amérique. Cet album est cette fois encore l’occasion d’une critique, celle des travers de la société américaine à savoir le développement du capitalisme, la société de consommation, le crime organisé… Mais surtout, cette oeuvre porte un regard sinistre sur la condition à laquelle la « civilisation » de l’homme blanc a réduit les Indiens, décrits comme “crédules face à des Blancs sans scrupules”. Intéressant de voir combien la critique était moins sévère contre les colonialistes belges… Les albums de Tintin seront toujours marqués par l’actualité de l’époque. Sous couvert d’une fonction éducative, ils incarnent avant tout la pensée catholique et cherchent à influencer l’esprit des jeunes. A l’instar de Tintin en France, Captain America est né de la propagande de guerre aux Etats Unis.

L’histoire politique des Etats-Unis est très clairement illustrée dans ses BDs de l’époque, ou plutôt comme on les appelle aux US, “comic books”, inspirés du pop art. Les BDs sont apparues aux USA après la Première Guerre mondiale afin d’accroître le sentiment de patriotisme dans le cœur des américains, sceptiques face à la crise mondiale. A cette époque, les lecteurs cherchaient à la fois une représentation réaliste du conflit et une échappatoire aux horreurs de la guerre.

Ainsi, les BD des années 40 avaient plusieurs objectifs de propagande : unir le peuple derrière l’effort de guerre; encourager la vigilance contre les espions ennemis; représenter l’ennemi comme immoral, brutal et inhumain; et enfin rassurer la population sur le fait que les Alliés se battent pour une cause juste et noble. En effet, les membres des pouvoirs de l’Axe étaient souvent représentés de façon caricaturale : les Nazis sont “cruels”; les Italiens sont “incompétents et manipulés par les Allemands”; les Japonais sont “des traîtres”. Les super-héros eux (Superman, Batman, Green Lantern), en revanche, sont des êtres supérieurs, exécuteurs de la morale et de l’ordre social. On le voit souvent sur les couvertures, Captain America affrontant Hitler, se battant avec des stormtroopers, l’armée impériale allemande, ou bien des soldats de régimes fascistes. Ils sont représentés avec les meilleures qualités américaines : beaux, les traits ciselés et les épaules larges, dotés de connaissances supérieures en termes de sciences et de technologies. Une caractéristique propre de ces héros de guerre sont leurs uniformes rouges, blancs et bleus, à l’image du drapeau américain. Captain America deviendra d’ailleurs la figure emblématique de ces héros patriotiques en affrontant des ennemis internes et externes aux Etats-Unis. Les premières BDs américaines dépeignent une image idéalisée de la guerre face à des ennemis stéréotypés et représentatifs du mal dans la société américaine.

Parmi les nombreux narratifs populaires, les BDs sont particulièrement intéressantes car elles reflètent directement les désirs et angoisses des lecteurs. Au cours de l’histoire, les BDs ont dépassé les simples histoires pour enfants pour acquérir une fonction satirique, critique et souvent patriotique et hyper-nationaliste. Les BDs, microcosmes de la société, sont devenues des échappatoires pour exprimer le désir de vengeance et mobiliser le peuple derrière des idéaux ou des pensées. L’illusion inoffensive offerte par les illustrations pour enfants et les personnages surréalistes sont en fait des instruments de pouvoir efficaces.

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