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1er prix du concours « Aujourd’hui, lundi 4 janvier 2054… » par Malie Frouin

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"La machine à remonter le temps" : Cette histoire raconte celle de Charlotte en 2054. Trente ans après notre ère, le monde est à feu et à sang. Prisonnière du responsable, Charlotte fera tout pour l’empêcher de poursuivre ses plans, quitte à se sacrifier pour sauver l'humanité.

-Bonne année ! 

Les confettis pleuvaient, tombant en cascades sur les gens surexcités qui hurlaient de joie. Adrien se força un passage à travers la foule jusqu’à sortir des rues les plus encombrées. Après tout, Times Squares était connu dans le monde entier pour sa fête explosive lors du nouvel an. 

2025, pensa Adrien. Il eut un petit rire. Que cela passe vite. Il tourna à un angle de rue et s’assit sur le perron d’un petit bâtiment. Il saisit une canette de soda qu’il avait gardée dans sa poche et l’ouvrit. Il aimait bien la fête, mais le bruit le dérangeait. 

Alors qu’il sortait son portable pour vérifier l’heure, il entendit comme une sorte de sifflement. Il se figea pour écouter le bruit, qui se rapprochait. 

Lorsqu’il comprit que le sifflement venait du ciel, il eut juste le temps de lever la tête avant que quelque chose de lourd ne s’écrase sur son visage. 

L’objet rebondit, et atterrit un peu plus loin. 

Se frottant le front, Adrien, curieux, se leva pour voir de quoi il s’agissait. Dans une petite flaque d’eau gisait un petit carnet en cuir, les pages retenues par une petite corde. Intrigué, Adrien saisit l’objet. 

Il le retourna plusieurs fois dans ses mains, et après réflexion, décida de l’ouvrir. Avec précaution, il ouvrit la première page, et commença sa lecture. 

1 Décembre 2054 

Je ne sais pas trop pourquoi je fais cela. Pourquoi je me force à écrire ce journal, alors que je sais qu’il sera détruit. Alors que je sais que je me ferai sûrement tuer. Pour avoir écrit. Pour avoir écrit la vérité, pour révéler au peuple les mensonges de son Gouvernement. 

Voilà 5 ans. 

5 ans que je me bats. 

Contre un régime qui ne met plus les besoins de son peuple en priorité. Alors que ses dirigeants avaient promis, promis qu’ils se battraient pour nous et que nous étions la raison de leur mouvement. Le peuple avant tout, citait leur devise. 

Le Gouvernement laissait paraître que c’était le cas. Il disait que ce n’était pas de sa faute si la paix n’existait plus; si les guerres ne cessaient, si les animaux mouraient. 

Cela fait bien longtemps que les frontières n’existent plus. Depuis une dizaine d’années, la population, affamée, a renversé les autorités respectives de leurs pays. Seuls les États-Unis étaient encore debout. Mais le Gouvernement en avait profité; renversant tous les dirigeants politiques dans l’ombre, il s’était attribué le pouvoir. Depuis, Il avait appauvri les peuples, s’était servi d’eux dans son propre intérêt. 

J’ai tenté de faire quelque chose. J’ai rejoint la résistance, malgré le fait que nous ne savions pas comment nous battre, comment empêcher le Gouvernement de conquérir le monde.

Malgré mon jeune âge de 17 ans, grâce à ma détermination, j’ai atteint les plus hauts rangs de notre organisation. Je me battais loyalement, jusqu’à ce que je me fasse prendre dans une embuscade. Alors que nous pensions arrêter un convoi d’armes pour l’armée, nous fûmes pris au piège. Je n’eus d’autre choix que de me sacrifier pour sauver mon équipe. 

Voilà donc un an. 

Un an que je me suis fait capturer, un an que je croupis dans cette cellule. 

8 Décembre 2054 

Pour la première fois depuis ma capture, je vis un être humain aujourd’hui. 

Un autre prisonnier. 

La nuit est tombée lorsque je fus réveillée par un cri. Un hurlement. Je me redresse sur mon lit et tends l’oreille. Le cri se répéta. Je me glisse sur mes orteils et m’approche doucement de la porte. Jetant un coup d’œil à travers la petite fenêtre de barreaux, je ne vis pas grand-chose. J’attendis quelques secondes, et c’est là que je le vis. Un prisonnier. 

Encadré de deux hommes en uniforme noir qui se fondaient dans l’obscurité. Le pauvre homme était traîné sur le sol, ses vêtements en lambeaux. Je me fige dans le noir. Je le connais. Lui. 

Le souffle court, je m’éloigne de la porte. Mes pensées se mélangeant, le souvenir me revint. Ses yeux sombres pétillants de fierté et de traîtrise. Ses cheveux noirs, collés par mèches sur son front couvert de sueur. Son sourire de traître. Ses épaules se soulevant au rythme de sa respiration. Sa main, agrippée autour du plus important artefact que la résistance possédait. La clé. 

La clé ouvrant la porte de la chambre secrète. 

La clé menant à la source de cristal. 

Depuis son arrivée au pouvoir, le Gouvernement recherchait la source de cristal sans relâche. Pourquoi ? Nous n’en avons jamais rien su. Malgré tout, nous savions que nous devions protéger l’immensité de son pouvoir. 

Kiran. 

Son visage me revient à l’esprit. 

Ce traître. Je n’aurais jamais dû lui faire confiance. 

Depuis son arrivée dans la résistance, j’avais senti qu’il était différent. Malgré tout, je l’avais accepté parmi nous comme un autre. Puis nous avions appris à nous connaître. Peut-être un peu trop. Je lui faisais une confiance aveugle. Mais il en avait abusé.

Une nuit, il avait saisi son occasion et il s’était emparé de la clé. Lorsque je m’en étais rendue compte, il s’apprêtait à s’enfuir, tenait déjà la clé dans sa main, le regard fier, son sourire traître grand jusqu’aux oreilles. 

Il m’avait jeté un regard l’air de dire: Tu m’as fait confiance. Depuis le début. Comment as-tu pu être si naïve ? Comment as-tu pu te laisser aveugler par l’amour à un tel point, de laisser l’avenir d’un monde entier entre les mains d’un étranger ? 

Le souffle court, je me force à reprendre mes esprits. Rageuse, je me jette sur la porte. D’une voix rauque, je hurle entre les barreaux: 

-Traître ! Espion ! Imposteur ! 

Les soldats qui traînent Kiran s’immobilisèrent. 

C’est alors que je réalise mon erreur. Aveuglée par ma colère, j’avais cédé une nouvelle fois à mes émotions. Lorsque je vis les soldats pivoter en un mouvement et s’approcher de ma cellule, je sentis un frisson me parcourir le dos. J’aurais mieux fait de me taire. 

Je me précipite vers mon lit et me recroqueville dans un coin, faisant semblant de dormir. Un cliquetis résonna dans la serrure. Puis, sans un bruit, je vis entre mes paupières mi-closes la porte s’ouvrir. Je m’immobilise. 

Les deux soldats pénétrèrent dans ma cellule. 

Le silence s’étire. 

Je sens leur regard brûlant sur mon corps. 

Une voix, presque douce, surgit. 

-Quelque chose à dire à ce cher monsieur ? 

Le ton prit par le soldat m’affole. Devant mon silence, il continue: 

-Puisque vous semblez tous les deux si impatients de vous retrouver, voilà. 

Sans plus d’explication, un des soldats balance Kiran dans un coin de ma cellule. Puis, dans un claquement de bottes, ils sortirent. 

Ils m’avaient laissée enfermée, seule, avec le traître. 

21 Décembre 2054 

Je n’ai aucune intention de lui adresser la parole. Nous nous ignorons. Et c’est très bien comme cela. Depuis son arrivée, Kiran ne m’a pas jeté un regard. Moi non plus, à vrai dire. Il ne le mérite pas. La plupart du temps, je suis dans mon coin, à écrire dans ce journal. Plus j’écris, plus je réalise que je ne sais pas ce qui me retient de me jeter sur Kiran et de l’étrangler. Honnêtement, je suis à deux doigts de le faire lorsqu’il m’adresse pour la première fois la parole, deux jours après son arrivée: -Ils m’ont forcé.

Je ne lui jette même pas un regard et fait semblant de ne pas l’avoir entendu. -Ils m’ont forcé à leur donner la clé. 

Cette fois, je ne peux m’empêcher de hausser un sourcil. 

Kiran travaillait pour eux depuis le début. Alors pourquoi aurait-il dû être forcé à compléter sa mission ? 

Kiran a dû remarquer que je prête soudainement attention à ce qu’il dit, car il continue: -Après avoir dérobé la clé et m’être enfui, j’ai réfléchi. J’avais tellement appris à te connaître. Tu me manquais. 

Il soupira. 

-Je me souviendrai toujours de ton visage lorsque tu as cru que je t’avais trahie. Cru que tu m’avais trahi ? Tu m’as trahi, oui. 

-J’ai beaucoup repensé à toi, et pourquoi tu protégeais la clé. J’ai réfléchi à ce que le Gouvernement ferait s’il mettait la main sur la source de cristal, ce qu’ils te feraient à toi. Alors je l’ai cachée, puis j’ai changé de nom et j’ai tenté d’oublier ce qui c’était passé. Mais le Gouvernement m’a retrouvé. Ils m’ont obligé à leur indiquer où la clé se trouvait. 

Du coin de l’œil, je vis Kiran baisser la tête. 

-Je suis désolé. 

Cette fois fût la fois de trop. Mon sang ne fit qu’un tour, et je me jeta sur lui, agrippant son cou de toutes mes forces. 

-Désolé ? Après ce que tu as fait ? Après m’avoir trahi ? Tu t’attends peut-être à ce que je te pardonne ? 

Le visage de Kiran avait viré au blanc. Il souffle: 

-Charlotte… s’il-te–plait. 

Je me fige. Je n’avais pas entendu mon nom depuis si longtemps. Je l’avais presque oublié. Profitant de mon instant de faiblesse, Kiran se dégage de mon emprise. Du coin de l’œil, je le vis se masser la gorge. 

Tremblante, je me recroqueville dans un coin de ma cellule. Repliant mes genoux sous moi, j’appuie mon menton sur mes genoux et me balance lentement d’avant en arrière. 

Cela faisait longtemps que toute ma vie d’avant me revenait si subitement. 

22 Décembre 2054 

Je fus réveillée en sursaut. Cinq soldats sont dans ma cellule. 

Je ne prends même pas la peine de lever mes bras, et, toujours recroquevillée dans mon coin, je leur jette un regard dédaigneux. Les soldats ne me jettent même pas un coup d’œil et s’approchent de

moi. De leur poigne de fer, ils me saisissent sous les bras et commencent à me traîner en dehors de la cellule. Le regard levé au ciel, je les laisse faire. 

J’entends derrière moi Kiran grogner, et j’en déduis qu’ils le traînent aussi. 

Après d’innombrables virages le long des murs de pierre, les soldats s’immobilisent. Je jette un regard vers le haut, et je vois une porte en bois dans le mur. Un soldat l’ouvre alors, et nous pénétrons dans une pièce. Complètement vide, la pièce n’abrite qu’une chaise en bois au centre. Je ne suis pas étonnée lorsque les soldats me jettent dessus et me lient les mains derrière le dos. J’entends quelques jurons, et lorsque je me retourne, je vois Kiran affalé sur le sol. Deux soldats le toisent de haut, comme s’ils venaient de le lâcher brutalement. Kian relève la tête, et je me retourne avant que nos regards ne se croisent. 

Une fois mes mains attachées dans mon dos, certains que je ne tenterai pas de m’échapper, les soldats reculent au fond de la salle. Une lumière s’allume alors au-dessus de moi, tel un projecteur. Le reste de la salle demeure pourtant plongé dans l’ombre. 

Je ne suis même pas surprise lorsque j’entends une voix familière raisonner dans la pièce obscure. -Bonjour, Charlotte. 

Il est devenu presque une habitude du lieutenant Cooper de m’interroger. Il tient à obtenir de l’information sur la résistance et ses opérations. Cependant, voilà longtemps qu’il ne m’avait pas convoquée. Je me demande ce qu’il me veut. 

Une silhouette familière s’approche dans la lumière jusqu’à ce que je distingue le visage de Cooper. Il me domine de par sa haute stature de muscles et ses épaules carrées. Ses cheveux blonds sont coupés courts. Il me jette un regard et pivote sur ses talons. Les mains croisées dans son dos, il commence à faire les cents pas dans la pièce. 

-Ne perdons pas de temps. Je suppose que tu as eu le temps de faire connaissance avec Kiran ici présent ? 

J’entends Kiran bougonner en réponse, et je force mon visage à rester de marbre. -Ah, mais oui, bien sûr. J’avais oublié, vous travailliez ensemble auparavant. 

Je serre les dents ensemble tellement fort pour ne pas lui hurler au visage que je crains que je ne me casse une dent. 

-Tu sais déjà qu’il m’a livré l’objet ici présent. Disons que Kiran s’est montré assez coopérant. D’un geste, il glisse sa main dans la poche de sa veste et en retire la clé. 

Kiran s’écrie: 

-Ne l’écoute pas Charlotte ! Il m’a forcé à la lui donner ! 

Je l’ignore et garde mon regard fixé sur Cooper devant moi. Celui-ci aborde un sourire machiavélique.

-Je suis si près du pouvoir. (Il retourne la clé dans ses mains, fasciné, puis reprend ses cents pas.) Cependant, il me manque une chose. 

Cooper marche en cercle autour de ma chaise désormais. 

-Quelque chose que toi seule détient, Charlotte. 

Sur ce, je l’entends qui s’arrête dans mon dos. 

-Mais tu vas me livrer ce petit secret, n’est-ce pas ? 

Cooper pivote de l’autre côté de la chaise pour me faire face. Je garde le regard droit devant sans faire attention à lui. Cooper se baisse pour se mettre à mon niveau. Son visage est si proche du mien que je sens presque son souffle me caresser le visage. Cooper répète sa question: -N’est-ce pas ? 

Devant mon silence, Cooper se relève et recommence à marcher. 

-Je me doutais bien que tu ne serais pas aussi facile à convaincre que ton cher collègue. Juste un peu d’or fictif, et ce cher Kiran est tombé dans le panneau. 

Kiran lance: 

-Charlotte ! Ne l’écoute pas, il ment, il– 

Je vois Cooper faire un petit geste de la main, et j’entends un corps s’affaler lourdement sur le sol. J’en déduis qu’un soldat vient d’assommer Kiran. 

-Bien. Voilà ton petit ami sera plus coopérant désormais. 

Cette fois, je ne peux m’empêcher de souffler entre mes dents: 

-Ce n’est pas mon petit ami. 

Cooper s’imobilise en entendant ma voix. 

-Qu’as-tu dit ? 

Je referme ma bouche et fais comme si je n’avais rien dit. Pourtant, Cooper se baisse de nouveau pour me faire face. Il me regarde et prend une mine triste. 

-Ce cher Kiran se serait-il pris un refus ? Quel dommage. 

Il se relève soudainement. 

-Nous nous éloignons du sujet. J’ai besoin de savoir comment utiliser la clé. 

Je manque de pouffer à ses mots. 

-Utiliser la clé ? Elle est aussi facile à utiliser que n’importe quelle autre clé. 

Cooper sourit. 

-Je suis bien content de te voir coopérer. Malheureusement, vois-tu, la clé n’est pas suffisante pour ouvrir la porte. Je suppose qu’il y a un autre moyen. 

Je hausse un sourcil. 

-Comme je viens de te le dire, elle marche comme une autre clé. À moins qu’ouvrir une serrure soit trop dur pour les mains précieuses de son altesse ?

Cooper garde son calme face à mon ironie mais je vois qu’il s’impatiente. 

-Ne me prends pas pour un idiot, Charlotte, je– 

-Mais vous en êtes pourtant bien un. 

Cooper se fige. Il me fait dos, mais je vois sa tension dans la manière dont il serre ses mains. -Que ce soit bien clair entre nous, je ne supporterai aucune insulte de ta part. Je hausse les épaules. 

-Je dis ce que je veux. 

Cooper est tellement rapide que je ne le vois pas venir. En un éclair, il est de nouveau devant mon visage, et souffle entre ses dents: 

-Tu n’es pas en position de faire quoi que ce soit. Tu es chanceuse que je ne t’ai pas tuée. Tu ne vaut rien. Le monde se passerait très bien de toi. 

J’ignore ses insultes et lui crache au visage. 

Cooper recule en se tenant la joue à côté de l’endroit où j’ai craché. Son regard lance des flammes. -Bien. Fini de rire. 

Il exauce un petit geste de la main, et un soldat s’approche dans mon champ de vision. Il me faut un petit moment avant que je ne comprenne qu’il tient Kiran, toujours inanimé, par la racine des cheveux. Je hausse les sourcils. 

-Allez-y. Frappez-le. Tuez-le. Je ne parlerai pas. Il n’est rien pour moi. 

Cooper se retourne en souriant. 

-Très bien. Alors je vais m’occuper de toi. 

Le soldat s’écarte avec Kiran. Puis, le lieutenant s’éloigne dans la pénombre. 

25 Décembre 2054 

Je ne sais plus trop ce qui s’est passé ces derniers jours. En tout cas, je sais qu’après de longues discussions, Cooper a fini par me convaincre de lui dire comment utiliser la clé. Maintenant, Cooper me laisse tranquille. Il ne me jette plus un regard. Il est trop occupé par quelque chose d’autre. Tout ce qui compte est qu’il ne fait plus attention à moi. 

31 Décembre 2054 

-Ah ! Ma chère Charlotte. Te voilà debout. 

Mon corps tout entier sursaute, et une frayeur s’empare de moi. 

Je suis dans une pièce, mais je ne suis pas attachée. Je suis assise sur le sol, consciente. Mon corps se raidit en voyant Cooper. Je me recroqueville au coin du mur, priant qu’il ne fasse pas attention à moi. J’entends Cooper ricaner.

-Je ne vais pas te faire de mal. Tu auras la vie sauve. Tu m’as livré ton secret, j’honorerai ma part du marché. 

Je fronce le front. Quel marché ? 

Alors je me souviens; il y a quelques jours, je lui ai avoué comment utiliser la clé. Je relève ma tête juste assez pour voir où je me trouve. La pièce de briques est froide et vide, mais une grande source de lumière baigne la pièce dans une aura dorée. Curieuse, je me relève un peu plus, et c’est là que je distingue d’où vient la lumière. 

Des fenêtres. 

Je suis sur mes pieds en moins d’une seconde, et je me jette le nez contre la vitre pour regarder dehors. Nous sommes dans un grand bâtiment en béton, et visiblement dans une grande ville. Les gratte-ciels sont en mauvais état, et certains bâtiments semblent sur le point de seffrondrer. Il n’y a pas d’arbres ni de végétation. En bas, les gens s’affèrent tranquillement. Ils sont en piteux état,: les vêtements sont sales et usés. La plupart ne doivent même pas avoir de maison. Cooper me jette un regard. 

-Nous sommes à New York. Non loin de Times Square. 

Je n’ai plus aucune peur de Cooper, et je n’ai qu’une envie, qu’il me libère. Je n’avais pas vu la lueur du jour depuis si longtemps. 

Cooper doit comprendre mon impatience, et il me sourit. 

-Bientôt ma chère. Avant, je dois te montrer ma toute dernière invention. 

Il claque des doigts, et aussitôt une porte s’ouvre à sa droite. Deux hommes costauds entrent, tirant derrière eux une grande machine sur roulettes. Ils laissent la machine et repartent. Je plisse les yeux pour essayer de distinguer de quoi il s’agit, mais je n’arrive pas à comprendre. La machine est d’une étrange couleur bleue, semblable à un cube de glace. Elle bourdonne légèrement et de son centre irradie une faible lueur bleue cristalline. Cooper marche vers elle et passe sa main sur le cube. 

-Ce que tu as ici sous les yeux, Charlotte, est une machine à remonter le temps. Je fronce les sourcils. 

Une quoi ? 

-Comme tu le sais, voilà 5 ans que nous avons pris le pouvoir. Tout cela était dans un seul et même but. 

Cooper s’arrête quelques secondes et jette un regard dehors. 

-Le monde se meurt. Les ressources s’amenuisent. Les éléments se déchaînent sur nous, laissant derrière eux un monde dévasté: des arbres arrachés par des tornades aux Etats-Unis, des villes entières sous les eaux en Asie, des plaines battues par les vents en Afrique, des forêts

transformées en désert en Europe. Les animaux sont en voie d’extinction. L’espèce humaine est en voie d’extinction. 

Cooper soupire. 

-Malgré tous les efforts du Gouvernement, il n’est pas possible de revenir sur ce que nous avons fait. L’espèce humaine s’est précipitée elle-même vers sa perte. 

Je ne comprends toujours pas où il veut en venir. 

-Nous ne pouvons pas revenir sur ce que nous avons fait, répète-il. 

Et c’est alors que je comprends. 

La machine. 

La machine à remonter le temps. 

Il veut retourner dans le passé. 

Cooper veut retourner dans le passé où la Terre était encore ce qu’elle était. Ferait-il donc tout cela pour le bien de l’humanité ? 

Ce dernier semble deviner dans mes pensées et il ricane. 

-Mon plan est de retourner trente ans dans le passé. Retourner trente ans dans le passé, où tout allait encore bien. Où la Terre se portait encore bien. 

Je fronce les sourcils. 

-Pour les prévenir de ce que nous allons faire sur notre propre Terre ? 

Cooper rigole si fort cette fois que son rire ricoche entre les murs. 

-Absolument pas. Je retournerai dans le passé, et je prendrai le contrôle de la Terre. Bien sûr. 

Bien sûr que c’était son plan depuis le début. 

Je comprends enfin. 

Lorsque Cooper a appris qu’il était possible de remonter dans le temps grâce à une machine, il a créé le Gouvernement. Il fallait regrouper tellement de ressources pour pouvoir générer une telle puissance qu’il avait dû créer cette organisation. Depuis, il devait sûrement avoir regroupé tous les éléments nécessaires. Tout est logique désormais. 

La source de cristal. 

Je me frappe le front lorsque je réalise. 

Voilà pourquoi il en avait besoin. 

La source de cristal génère une source importante d’électricité, qui est très chère et rare depuis que la Terre se meurt. La source de cristal alimentera la machine sans mal, ce qui la fera fonctionner. Puis Cooper retournera dans le passé, là où la Terre était encore en pleine santé. Il vivrait heureux et en bonne santé.

Il pourrait même se forger un chemin jusqu’au pouvoir, où il pourrait prendre le contrôle de la Terre d’il y a trente ans et diriger les pays. Contrôler les ressources. Contrôler le monde. Il ne fait pas cela dans l’intérêt de notre peuple. 

Il ne fait cela que pour lui. 

Cooper avait toujours voulu se renvoyer dans le passé. Il ne lui manquait que la source de cristal pour parvenir à son objectif. 

Et je le lui ai donnée. 

Non. 

Je suis surprise par ma propre détermination. 

Je ne le laisserai pas retourner dans le passé. Je ne le laisserai pas ruiner la vie de ces pauvres gens qui vivent encore heureux. Je veux qu’ils puissent bien vivre leur vie. 

Cooper me regarde. 

-Tu ne peux plus m’en empêcher, Charlotte. 

Il s’approche du bloc de glace et frotte un de ses coins. La glace entaille sa paume, et un léger filet de sang coule sur la glace. Alors, comme s’il avait enclenché un mécanisme, le bloc de glace commence à se tordre et se déformer. La glace s’aplatit, puis se tord, et rejoint ses deux extrémités, pour former un cercle flottant dans les airs. Je comprends qu’il s’agit d’un passage. Un passage vers le passé. 

Cooper n’hésite pas. 

Il me jette un petit clin d’œil. 

-À dans trente ans ! 

Alors qu’il s’apprête à passer un bras dans le cercle, je bondis en avant. 

Je ne pense même pas à ce que je fais à ce moment-là. J’agis. 

Je bondis sur Cooper et lui rentre dedans. 

Mon corps s’écrase sur le sien et nous roulons au sol. Surpris de ma riposte, Cooper prend quelques secondes avant d’agir. Puis, il se relève et se jette sur moi. Il m’assène un coup de poing dans le ventre qui m’envoie voler à l’autre bout de la pièce. Il marche furieusement vers moi pour me rattraper. Avant que je n’ai le temps de riposter, il se jette sur moi et me cloue au mur. Je m’y mobilise. 

Il chuchote agressivement entre ses dents: 

-Tu ne peux plus m’en empêcher. J’ai des soldats de l’autre côté de cette porte. Je peux les appeler à tout moment. Tu as perdu, Charlotte. Tu le sais. 

C’est alors que j’aperçois un éclat argenté à l’intérieur de sa veste. 

Un pistolet. 

Je remercie les cieux.

Cooper me menace toujours: 

-J’ai gagné. Tu as perdu. Tu dois l’admettre. 

À ces derniers mots, il bouge légèrement vers la gauche, et me donne un angle parfait pour saisir l’arme. Je glisse ma main lentement dans sa veste et saisis le pistolet. Cooper ne s’en rend pas compte. Je glisse le pistolet entre le mur et mon dos, et Cooper ne s’en est toujours pas aperçu. 

Alors, je lui jette un regard dédaigneux et le pousse violemment pour me libérer de son emprise. Cooper recule de quelques pas, et alors qu’il me fait dos et s’apprête à retourner vers la machine, je brandis mon arme. 

Un petit clic métallique se fait entendre, et Cooper se retourne lentement lorsqu’il comprend. Son visage vire au blanc lorsqu’il voit le pistolet pointé vers son crâne. 

Je ne lui laisse pas le temps de réagir. 

Je tire. 

Cooper s’affale sur le sol sans un bruit. Je ne perds pas une seconde. Je me précipite vers la machine. Lorsque je peux enfin la toucher, je réalise que je ne sais pas quoi faire désormais. Je marche autour du cercle de glace en l’observant. Mon pouls commence à s’affoler. Les hommes de Cooper pourraient entrer à tout moment et s’apercevoir de ce que j’ai fait. 

Il faut que je prenne une décision, et vite. 

Il faut que je laisse le monde de 2024 savoir. 

Il faut que je laisse ces pauvres gens savoir qu’ils se précipitent vers leur perte. Pourtant, je ne peux pas y aller moi-même, j’appartiens au monde de 2054. Je dois guider la résistance vers la délivrance. Mon devoir est de rester ici et d’aider mon monde actuel à aller vers un meilleur futur. Je dois réparer les erreurs faites il y a trente ans. Mais comment leur faire parvenir le message sans y aller moi-même ? 

C’est alors que je me souviens. 

Mon journal. 

Mon journal intime. C’est la seule chose qui m’appartient où j’ai tout reporté, où j’ai révélé la vérité sur notre monde. Ce qui est advenu de notre planète. 

Je glisse ma main dans ma poche et mes doigts s’enroulent autour de mon petit carnet de cuir. Je le tire de ma poche et dénoue la petite corde. Mon dernier ajout remonte à l’intrusion des soldats dans ma cellule. 

Alors, rapidement, je saisis le stylo dans ma poche et griffonne les derniers jours et ce qui vient de se passer. J’écris mon interrogatoire. J’écris comment j’ai tiré sur Cooper. 

Et alors que je griffonne mes derniers mots, la porte en bois de l’autre côté de la pièce vole en éclats.

Les soldats se sont enfin aperçus de l’absence de Cooper. Un flot de soldats se déverse dans la pièce. Après avoir vu le corps du lieutenant Cooper sans vie, ils braquent leurs fusils sur moi. -LES MAINS EN l’AIR, crie un homme à ma droite. 

Je lève lentement les mains vers le plafond. Deux hommes se glissent derrière moi et me saisissent sous les bras. Ils tentent de me traîner en dehors de la salle, mais je me dégage. L’espace d’une seconde, je suis libre. 

L’espace d’une seconde, j’ai le temps de jeter mon journal à travers le cercle de glace. L’espace d’une seconde, j’ai le temps de renvoyer mon carnet trente ans en arrière. L’espace d’une seconde, j’ai le pouvoir de changer le destin de la Terre. 

Et je profite de cette seconde. 

Alors que les soldats se jettent sur moi pour me reprendre, je déplie mon bras et jette mon carnet. Celui-ci vole à travers la pièce, et se glisse dans le cercle de glace. 

Il reste là en suspens en instant, puis disparaît. 

Un homme se jette immédiatement vers la machine. Les soldats devaient être dans la confidence, et ils viennent de comprendre ce que je viens de faire. Je me dégage une nouvelle fois, et cours jusqu’à me glisser entre le soldat et le cercle de glace. Le soldat à un instant de surprise, puis brandit son arme pour me sortir de son chemin. Il veut reprendre mon carnet. 

Hors de question. 

Comme si mon corps savait quoi faire, je donne un coup de pied au soldat pour me donner quelques secondes. Puis, je me retourne, et glisse mon doigt dans un trou dans la glace. Comme si je savais ce qui allait se passer, alors que je n’en avais aucune idée, le cercle de glace se rétracte et commence à se fermer. Le sourire aux lèvres, je me retourne pour faire face au soldat. Mais celui-ci à toujours le temps de se glisser dans la brèche. Il faut que je gagne du temps. L’homme se jette vers moi, furieux, arme à la main. Il se jette sur moi, et actionne l’arme. Un coup de feu résonne dans la pièce. 

Une douleur me transperce, mais cela n’a pas d’importance. 

J’ai entendu le cercle se refermer derrière moi. Mon journal a été envoyé dans le passé. 

Et c’est le sourire aux lèvres que je rends l’âme, que je me sacrifie, enfin sereine de savoir que mon monde à la possibilité d’être sauvé. 

Adrien se passa une main dans les cheveux. Quelle lecture. 

Il eut un petit rire et se releva. 

Il jetta un regard au perron du bâtiment sur lequel il s’était assis. 

Il ressemblait exactement à celui décrit dans le journal.

Drôle de coïncidence. Adrien haussa les sourcils. 

En tout cas, ce livre était drôlement bien écrit. Il a dû gagner des prix pour la science-fiction. Adrien prit note d’aller voir à la bibliothèque le lendemain qui était l’auteur de ce livre. Puis, il se leva, et se décida à retourner chez lui. Il but le reste de sa canette de soda, et la jeta dans la rue. 

Elle se décomposera bien par elle-même. 

Une pensée l’effleura, comme s’il avait fait quelque chose de mal. Que l’auteur du journal désapprouverait son choix de ne pas faire attention à la Terre.

Mais Adrien haussa les épaules. Ce n’était qu’un livre. Ce n’était qu’une œuvre fictive. Et après tout, pourquoi mettre tant d’efforts, juste pour ramasser une simple canette ?

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« Une interview exclusive d’Icy and Cold! » : La célèbre journaliste Natacha a interviewé Arthur Stewart, directeur de la compagnie Icy and Cold, qui a battu un record en vendant le plus grand nombre de glace à New York depuis le début de 2054. Les réponses d’Arthur Stewart, qui raconte son expérience en tant que directeur de cette compagnie sont rapportees en exclusivite pour French Bridge….

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2e prix du concours « Aujourd’hui, lundi 4 janvier 2054… » par Joelle Huysmans

« Réflexions sur le passé, à travers l’avenir » : Capsule temporelle de 2025 dévoilée dans la Baie de San Francisco / Lundi 4 janvier 2054 – Aujourd’hui, des archéologues de la Baie de San Francisco ont déterré une capsule temporelle remarquable. Enfouie en 2025, la capsule contient des objets qui non seulement documentent la technologie et la culture de l’époque, mais servent aussi de rappel du chemin parcouru en seulement trois décennies.

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