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Interview de Franck Verdonk : le rôle d’un anesthésiste-réanimateur dans la médecine d’aujourd’hui

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Franck Verdonk, MD, PhD, anesthésiste-réanimateur à Paris et chercheur à l'Université de Stanford, nous parle de son métier en France, de celui de chercheur aux États-Unis, ainsi que son rôle pendant la pandémie COVID-19. “Les crises sanitaires qui secouent le monde, comme la crise COVID actuellement, et qui possiblement se répéteront dans les années à venir, révèlent pleinement dans les défis qu’elles génèrent, la richesse et le sens de ce métier!”
Franck Verdonk anesthésiste et chercheur

Le métier de médecin anesthésiste-réanimateur est exigeant. Ce sont de longues années d’études, d’heures de garde et un rythme soutenu pour entre autre, soulager la douleur des patients, les endormir ou les réveiller… Franck Verdonk, MD, PhD, Docteur en France au Département d’Anesthésie-Réanimation de l’hôpital Saint Antoine à Paris, chercheur à l’Université de la Sorbonne en partenariat avec le “Department of Anesthesiology and Perioperative Medicine – School of Medicine” de l’Université de Stanford, nous a accordé une interview pour parler de son expérience en tant que médecin anesthésiste-réanimateur. Il a également présenté le travail réalisé en ce temps de pandémie.

Formation

Dr. Verdonk a commencé ses études de médecine en 2001 à l’Université Paris-Descartes. Les 6 premières années, les élèves de médecine reçoivent une formation généraliste, apprenant “la base de toutes les pathologies [maladie] et la physiologie”. Cette première partie des études de médecine est appelée l’externat. Après avoir fini l’externat, il y a un examen déterminant pour les étudiants: il s’agit des ECNi (Épreuves Classantes Nationales informatisées). Ces épreuves permettent d’établir un classement entre les élèves. En fonction de son classement, l’étudiant choisira l’hôpital où il effectuera ses années d’internat. L’internat dure de 3 à 5 ans. A titre d’exemple, la spécialité “médecine générale” demande trois années d’étude, alors que d’autres spécialités comme la chirurgie ou l’anesthésie-réanimation en demandent 5 ans. À la fin de la période d’internat, les internes reçoivent leur diplôme de docteur en médecine et de spécialiste. En plus de ces études en médecine, Dr. Verdonk y a ajouté un Master 2 et trois ans de thèse. Soit un total de 16 ans d’études pour le Dr. Verdonk !

La médecine a toujours attiré Dr. Verdonk. “Depuis mon enfance, j’ai toujours été assez curieux de la santé et du fonctionnement de la vie”. L’anesthésie l’avait aussi intrigué dès son plus jeune âge, après avoir eu une très bonne expérience avec un anesthésiste: “J’ai un souvenir magique d’un anesthésiste alors que j’avais 12 ou 13 ans, lors d’une mon opération des végétations. L’anesthésiste m’avait endormi et je n’avais pas du tout senti la piqûre, source de stress extrême ! Il m’avait hypnotisé avant la première injection. Et donc, je me suis dit que l’anesthésie, ça a l’air génial!”

Pendant son externat, l’idée s’est renforcée, spécialement parce que c’est une “spécialité qui bouge beaucoup. Quand tu fais quelque chose, tu as une efficacité immédiate. Cette spécialité touche à tous les organes. Intellectuellement, je n’ai pas le temps de m’ennuyer”. Dr. Verdonk ajoute qu’être anesthésiste-réanimateur c’est “une volonté de vivre dans le danger”.

Malheureusement, il n’y a pas de correspondances entre la formation de médecin français et américain, ce qui veut dire que Dr. Verdonk ne peut pas traiter de patients aux États-Unis sans passer d’autres examens qui valideraient son niveau et lui permettraient d’obtenir un diplôme américain. Dr. Verdonk est donc limité à la recherche pour l’instant. Même s’il n’a pas d’expérience en tant que médecin aux États Unis, il note que les anesthésistes-réanimateurs n’ont pas la double casquette, comme en France, mais sont plutôt cantonnés à un rôle d’anesthésiste. Dr. Verdonk a également remarqué que le relationnel au patient est très différent. Aux Etats-Unis, il y a une grande peur du risque médical qui se transforme en risque médico-légal. Ce risque est moins présent en France.

Travail en France

En France, Dr. Verdonk travaille au sein du service d’anesthésie-réanimation à l’hôpital Saint-Antoine, qui est un grand groupe hospitalier public dans le centre de Paris. Il suit aussi une carrière universitaire à l’Université de la Sorbonne et à l’Institut Pasteur, où il travaille avec d’autres médecins dans le domaine de la recherche. En tant que anesthésiste-réanimateur, Dr. Verdonk prend en charge des patients de tous les âges, que ce soit en urgence ou de manière programmée et qui ont besoin d’anesthésie pour leur chirurgie. Il participe également aux accouchements en administrant soit une péridurale en cas d’accouchement par voie basse, soit une anesthésie en cas de césarienne.

Pour résumer, la réanimation est “la prise en charge de tous les patients en urgence qui ont une atteinte à une fonction vitale”.

Ce métier n’est pas à prendre à la légère. Dr. Verdonk fait régulièrement des journées de 12h, en plus des gardes de nuit, qui ajoutent 12h à cette déjà longue journée. “C’est un travail passionnant mais très fatiguant, qui n’est pas toujours facilement compatible avec une vie de famille. ». C’est une passion qui impose des choix, des sacrifices difficiles, surtout en début de carrière. Avec le temps, j’ai pris moins de gardes et mon emploi de temps s’est allégé”.

Aux États-Unis, membre d’une équipe de recherche à Stanford

Aux États-Unis, Dr. Verdonk fait parti d’une équipe de recherche de Stanford, portant sur les opérations chirurgicales. Il explique sa décision de venir en Californie comme “une volonté de découvrir une autre culture, une autre langue, c’est une expérience personnelle et familiale qui coupe du rythme habituel français des longues heures avec des gardes. La recherche en laboratoire présentait aussi une belle opportunité professionnelle.” Au laboratoire, la recherche du Dr. Verdonk consiste en “l’analyse d’échantillons sanguins de patients dans un contexte périopératoire.” Les échantillons sont prélevés avant et après la chirurgie. En suivant de près l’état des patients et en analysant les échantillons, les chercheurs espèrent pouvoir prédire les complications post-opératoires, à partir du statut immunitaire pré-opératoire et de les prévenir.

Pour Dr. Verdonk, la responsabilité d’anesthésiste-réanimateur ne s’arrête pas à sa profession ou à sa recherche. Il donne aussi de son temps pour des syndicats qui défendent sa profession. “J’ai créé un Syndicat de Jeunes Médecins, qui a pour mission de défendre la profession et l’avenir de la spécialité d’anesthésie réanimation vis-à-vis des autorités et des institutions publiques françaises”. En France, les décisions politiques ont un gros impact sur la santé, et malheureusement, elles sont souvent prises par des gens qui n’ont pas d’expérience de terrain. Le rôle de ces associations est de porter une vision de l’exercice dans les années à venir. Même si c’est un investissement lourd et que ce n’est pas toujours facile, Dr. Verdonk nous rappelle que “c’est essentiel de pouvoir se battre pour la médecine de demain.”

Décision de revenir en France pour aider , son rôle

En mars dernier, en pleine crise COVID, Dr. Verdonk et sa famille sont rentrés en France pour soutenir les soignants français. Il précise que “l’équipe dans laquelle je travaillais était en grande difficulté et il me semblait inconcevable de laisser tomber mes collègues et mon pays dans ce contexte-là.”

Quand Dr. Verdonk est retourné en France fin mars 2020 afin de porter main forte à ses collègues. Il a constaté que beaucoup de directives avaient été mis en place rapidement pour s’adapter à la situation et traiter au mieux les patients. Ainsi, le gouvernement Français a pris la décision de déprogrammer toutes les chirurgies considérées non urgentes pour la durée de la crise sanitaire. Suite à ce changement, tous les anesthésistes-réanimateurs qui travaillaient habituellement en bloc opératoire, ont été transférés en réanimation. Les blocs opératoires se sont aussi transformés en salles de réanimation.

Pour protéger les soignants, l’hôpital a pris de grandes précautions sanitaires, Dr. Verdonk ajoute que l’hôpital “a été très strict sur la manière dont on allait voir les patients, même des fois un peu trop excessif, mais puisqu’on ne connaissait pas la maladie, il fallait mieux être très prudent.” Au final, l’exposition des soignants à la maladie a été très faible grâce aux règles rigoureuses établies par les hôpitaux. D’autres règles ont été établies pour endiguer la propagation du virus: restriction du droit de visite des familles à l’hôpital, équipement de protection pour les médecins en cas de contact avec un patient (blouses, masques, lunettes, charlottes et gants).

Le relationnel aux patients a aussi beaucoup changé pendant cette période. Puisque les hôpitaux étaient surchargés, les patients étaient souvent déjà sédatés ou en coma artificiel au moment de leur prise en charge. Ensuite, quand leur état était stabilisé, les patients étaient transférés dans des plus petits hôpitaux autour de Paris, donc Dr. Verdonk a eu peu d’occasions d’être en contact avec ces patients. Même quand ils étaient réveillés, le contact entre le patient et le Docteur est très différent avec un masque et tout l’équipement pour se protéger contre le virus.

Le retour de Dr. Verdonk aux USA pour continuer sa mission au sein de Stanford n’a pas été simple. Après de nombreuses négociations avec les autorités Américaines et le consulat Français, Dr. Verdonk et sa famille ont réussi à rentrer sur le territoire Américain en expliquant que le sujet de sa recherche porte sur l’immunité et que ce travail participe à faire avancer la recherche du traitement de la maladie du COVID.

Le mot de la fin par le Dr Franck Verdonk:

“La médecine est l’art de soigner avec passion et raison ! Elle se nourrit des interactions humaines, du raisonnement scientifique et des capacités d’analyse ! Métier exigeant, possiblement chronophage mais si vous voulez avoir la certitude de ne jamais vous ennuyer, dans quel autre métier se projeter ?”

“Les crises sanitaires qui secouent le monde, comme la crise COVID actuellement, et qui possiblement se répéteront dans les années à venir, révèlent pleinement dans les défis qu’elles génèrent, la richesse et le sens de ce métier!”

Le métier de médecin n’est pas facile, mais il porte des fruits dans notre société. Le témoignage du Dr. Verdonk nous montre que la médecine ne s’apprend pas que dans un manuel scolaire, mais qu’être médecin est un métier qui engage notre humanité. Il nous montre qu’une carrière ne s’arrête pas au métier, mais elle est plurielle si on veut avoir un vrai impact sur le monde.

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